Puis-je donner du lait de vache à mon bébé ?
Vous n’allaitez pas ou plus votre bébé, et il est en âge de consommer du lait de croissance ? Peut-être vous demandez-vous si le lait de vache ne serait pas tout aussi adapté… Faisons le point grâce aux recommandations les plus récentes !
Lait de croissance, lait de vache écrémé et demi-écrémé
« Si la maman ne peut ou ne souhaite pas allaiter, après l’âge de 1 an, le lait de croissance est recommandé et ne devrait pas être substitué par un lait de vache, surtout demi-écrémé. En effet, 500 ml de lait de croissance – répartis en deux biberons – permettent de couvrir 80 % des besoins en calcium[1], 65 % des besoins en fer[2] et 40 % de ceux en lipides du jeune enfant : soit vingt à trente fois plus de fer[3] et beaucoup plus d’acides gras essentiels, surtout oméga-3, qu’un lait de vache entier (…). Enfin, un autre élément peut être mis en avant au sujet de l’alimentation lactée : après l’allaitement, les âges de passage entre les différentes catégories de laits infantiles respectent en moyenne les préconisations officielles, avec un passage de l’allaitement au lait 2e âge autour de 5-6 mois et au lait de croissance autour de 12 mois. Pour autant, entre 1 et 2 ans, un quart des bébés de l’enquête consomment du lait de vache non spécifique bébé, et ils sont près de la moitié après 2 ans, un pourcentage trop élevé[4]. »
« D’autant plus qu’il s’agit majoritairement de lait demi-écrémé qui n’est pas assez riche en matières grasses pour les bébés ! L’arrivée du lait de vache se fait encore de manière trop précoce et trop importante. Le lait infantile doit être maintenu jusqu’à l’âge de 3 ans », alerte la Dre Sandra Brancato.
Le lait de vache, bien qu’il soit couramment consommé par les humains à l’âge adulte, ne peut pas répondre adéquatement aux besoins nutritionnels des nourrissons. Les différences dans sa composition et sa digestibilité rendent son utilisation inappropriée pour les bébés en remplacement du lait maternel ou du lait infantile.
Quelles différences ?
Le lait de vache contient environ trois fois plus de protéines que le lait maternel (environ 3,4 g pour 100 ml contre 1,2 g dans le lait maternel[5]). Si les protéines sont essentielles pour la croissance, une trop grande quantité peut exercer une pression excessive sur les reins immatures des nourrissons, augmentant le risque de surcharge rénale[6]. De plus, les protéines animales consommées au-delà d’une certaine quantité pourraient déréguler la sécrétion d’insuline et d’IGF-1, conduisant à la différenciation et à la multiplication des préadipocytes[7].
Le lait de vache ne contient pas suffisamment d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne, comme le DHA (acide docosahexaénoïque), qui sont essentiels au développement du cerveau et des yeux chez les nourrissons. Les graisses dans les laits maternel et pédiatrique (4 %) sont adaptées aux besoins énergétiques élevés des bébés et sont essentielles au développement de leur cerveau, tandis que les graisses du lait de vache sont en grande partie des acides gras saturés et ne répondent pas aux mêmes besoins[8].
Le lait de vache contient une quantité plus faible de lactose (environ 4,8 g pour 100 ml contre 7 g dans le lait maternel). Le lactose est un glucide essentiel dans l’alimentation, car il favorise l’absorption du calcium et d’autres minéraux tout en fournissant une énergie facilement disponible. De plus, le lactose joue un rôle dans le développement du microbiote intestinal chez les nourrissons, ce qui contribue à une meilleure santé digestive[9].
Des déficiences importantes
Le lait de vache est également déficient en plusieurs micronutriments essentiels pour les bébés :
- Fer: Le lait de vache contient très peu de fer biodisponible[10], et une consommation excessive peut même inhiber l’absorption du fer provenant d’autres aliments, augmentant ainsi le risque d’anémie ferriprive chez les nourrissons.
- Vitamines: Le lait de vache est pauvre en certaines vitamines C, B et D, essentielles pour le développement immunitaire et osseux. Le lait maternel et le lait infantile contiennent ces vitamines, ce qui n’est pas le cas du lait de vache.
Le lait de vache contient de la bêta-lactoglobuline, qui est responsable de réactions allergiques chez un nombre significatif de nourrissons. Cette allergie peut entraîner des symptômes gastro-intestinaux, dermatologiques ou respiratoires.
Le lait de vache a une concentration élevée en sels minéraux, notamment le sodium, le potassium et le calcium, comparé au lait maternel et pédiatrique. Ces niveaux élevés peuvent surcharger les reins des nourrissons, augmentant ainsi le risque de déshydratation, en particulier chez les plus jeunes.
[1] Référence nutritionnelle pour la population pour un enfant entre 1 et 3 ans est de 450 mg de calcium par jour (source : Avis de l’ANSES, rapport d’expertise collective, mars 2021, « Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux », p. 19-278)
– Apport en calcium du lait de croissance : 75,8 mg/100 ml (source : CIQUAL)
– 500 ml de lait de croissance = 379 mg, soit 84,2 %
[2] Référence nutritionnelle pour la population pour un enfant entre 1 et 2 ans est de 5 mg de fer par jour (source : Avis de l’ANSES, rapport d’expertise collective, mars 2021, « Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux », p. 19-278)
– Apport en fer du lait de croissance : 1,27 mg/100 ml (source : CIQUAL)
– 500 ml de lait de croissance = 6,35 mg, soit 127 %
[3] Plus de trente fois supérieur.
– Apport en fer du lait de croissance : 1,27 mg/100 ml (source : CIQUAL)
– Apport en fer du lait de vache entier : 0,01 à 0,04 mg/100 ml (source : CIQUAL)
[4] Ipsos pour le Secteur français des aliments de l’enfance, « Étude nutri-bébé : Enquête sur les pratiques alimentaires et apports nutritionnels des bébés français de moins de 3 ans », 2022.
[5] Olivia Ballard et Arrsythe L. Morrow, « Human milk composition, nutrients and bioactive factors », Pediatric Clinics of North America, 60, février 2013, p. 49-74.
[6] Joachim Escribano et al., « Increased protein intake augments kidney volume and function in healthy infants », Kidney International, avril 2011 ; 79, p. 783-790.
[7] Piotr Socha et al., « Milk protein intake, the metabolic-endocrine response, and growth in infancy: Data from a randomized clinical trial », American Journal of Clinical Nutrition, décembre 2011 ; 94, p. 1776S-1784S.
[8] Les acides gras oméga-3 sont nécessaires au développement et au fonctionnement de la rétine, du cerveau et du système nerveux. Des apports suffisants en oméga-3 sont donc primordiaux chez la femme en âge de procréer, chez la femme enceinte, chez la femme allaitante ainsi que chez l’enfant (Source : ANSES, « Les acides gras oméga-3. Fonctions dans l’organisme, besoins alimentaires », 2 mars 2022).
[9] Mathilde Guerville, Amandine Ligneul, « Le lactose, un sucre pas comme les autres », Cahiers de nutrition et de diététique, vol. 59, no 2, avril 2024, p. 102-112.
« Le lactose exerce de multiples effets bénéfiques sur la santé : il possède un faible index glycémique et a un faible pouvoir cariogène. Chez le nourrisson, le lactose est un nutriment clé, puisqu’il aiderait à la colonisation du tube digestif par le microbiote intestinal, pouvant ainsi protéger le nouveau-né des infections. Le lactose peut aussi stimuler l’absorption du calcium chez les nourrissons. »
[10] Il s’agit de la quantité absorbée par l’organisme. Le fer du lait maternel est le fer le mieux absorbé par l’organisme (à hauteur de 50 % contre 20 à 30 % pour les produits carnés, sauf l’œuf, 10 % pour les laits infantiles et 2 à 5 % pour les végétaux et les œufs). (Source : Patrick Tounian, Alimentation de l’enfant de 0 à 3 ans, Elsevier Masson, 3e édition, 2017)