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RGO bébé : des alertes sur la prescription d’IPP

RGO bébé : des alertes sur la prescription d’IPP

RGO bébé : des alertes sur la prescription d’IPP

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est une préoccupation fréquente chez les parents de nourrissons. Ces remontées acides internes ou externes, parfois douloureuses, peuvent être impressionnantes et inquiétantes. Parmi les traitements envisagés, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont parfois proposés.

La position de la Haute Autorité de Santé

Dans son argumentaire sur le RGO des enfants de moins de 1 an, publié le 29 février 2024, la Haute Autorité de santé (HAS) interroge la pertinence de la mise en place de ces traitements, hors AMM, chez les enfants de moins de 1 an. Voici, de manière résumée et vulgarisée, les conclusions qu’elle donne : 

  • Les données sur l’utilisation des anti-sécrétoires, dont les IPP, en termes d’efficacité et de tolérance, sont insuffisantes ;
  • Ces traitements présentent de nombreux effets secondaires, une étude du bénéfice de leur utilisation par rapport aux risques qu’ils entraînent doit être réalisée, et la prescription envisagée uniquement si le bénéfice se révèle bien supérieur aux risques, en privilégiant un traitement court et au dosage le plus faible possible ;
  • L’utilisation d’un IPP ne devrait être envisagée :
    • qu’en cas d’œsophagite diagnostiquée grâce à une endoscopie ;
    • qu’en cas de RGO pathologique (présence d’au moins deux symptômes, comme le refus alimentaire, le retard de croissance, des manifestations respiratoires ou ORL récurrentes) prouvé par la réalisation d’un pH-métrie ET si les mesures hygiénodiététiques n’ont pas donné de résultat.

 

Des alertes émanant d’autres instances sanitaires

La HAS n’est pas la seule à mettre en garde contre l’utilisation des IPP chez les nourrissons. Partout dans le monde, les alertes ont déjà fusé de la part :

  • De l’American Academy of Pediatrics. L’AAP a publié des recommandations en 2011 déjà, soulignant que le reflux gastro-œsophagien chez les nourrissons est souvent physiologique et bénin, ne nécessitant pas de traitement médicamenteux dans la plupart des cas. Elle encourage plutôt des ajustements hygiéno-diététiques pour gérer les symptômes.
  • De la Food and Drug Administration. Aux Etats-Unis, la FDA a publié dès 2010 un avis indiquant que les IPP n’étaient pas approuvés pour les nourrissons de moins de 1 an, sauf dans des cas précis d’œsophagite ou de RGO pathologique diagnostiqués par des examens appropriés. La FDA met en garde contre leur emploi hors AMM dans cette tranche d’âge.
  • De l’European Medicines Agency. L’EMA a mis en garde en 2016 contre la prescription des IPP hors AMM chez les nourrissons, en raison d’une insuffisance de preuves concernant leur efficacité et leur sécurité dans cette population. Elle préconise une évaluation rigoureuse des risques et bénéfices avant toute prescription.
  • Du National Institute for Health and Care Excellence. Au Royaume-Uni, le NICE a publié en 2015 des lignes directrices stipulant que les IPP ne devraient être utilisés que dans des cas graves et avérés de RGO, après échec des interventions non médicamenteuses.

Ces sonnettes d’alarme convergent vers un message commun : la prescription d’IPP chez les nourrissons doit être réservée à des situations bien définies et justifiées par un diagnostic rigoureux.

Pourquoi ces précautions sont-elles nécessaires ?

Les IPP, bien que très efficaces pour réduire l’acidité gastrique, modifient de manière significative l’équilibre naturel du système digestif. Chez les nourrissons, dont l’organisme est encore en plein développement, cela peut avoir des conséquences importantes, telles que :

  • L’augmentation du risque d’infections, car en réduisant l’acidité gastrique, les IPP diminuent une barrière naturelle contre les agents pathogènes. Cela peut favoriser les infections gastro-intestinales (par exemple, par Clostridium difficile) et respiratoires.
  • L’altération de l’absorption des nutriments. En effet, l’acidité gastrique joue un rôle clé dans l’absorption de nutriments essentiels tels que le fer, le calcium et le magnésium. Chez les nourrissons, une absorption insuffisante peut entraîner des carences, affectant leur croissance et leur développement.
  • La perturbation du microbiote intestinal, par modifications de l’équilibre acido-basique dans l’estomac. Cela peut avoir des répercussions sur le système immunitaire et la santé digestive à long terme.
  • Un impact potentiel sur le développement du système digestif : Le système digestif des nourrissons n’est pas encore totalement mature. Les IPP pourraient perturber son développement normal, ce qui pourrait avoir des effets à long terme non encore totalement élucidés.

Ces effets secondaires, combinés à l’insuffisance de preuves sur les bénéfices de ces médicaments chez les nourrissons, expliquent pourquoi leur utilisation est strictement encadrée.

Les IPP peuvent s’avérer salvateurs pour soulager bébé… temporairement !

Quoi qu’il en soit, il est essentiel de s’informer, de dialoguer avec les professionnels de santé, et de favoriser une approche personnalisée et prudente pour assurer le bien-être de votre enfant. L’usage des IPP, parfois indispensable, doit rester temporaire et doit être suivi d’une évaluation médicale plus approfondie pour déterminer la cause exacte des symptômes.