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Autoriser mon bébé à exprimer ses pleurs lui abîme-t-il le cerveau ?

Autoriser mon bébé à exprimer ses pleurs lui abîme-t-il le cerveau ?

Autoriser mon bébé à exprimer ses pleurs lui abîme-t-il le cerveau ?

Ceci est un article bonus en lien avec un QRcode du livre de Caroline Ferriol « Le Grand Guide du Sommeil de mon Bébé ».

L’étude de Wendy Middlemiss a été retentissante dans le domaine de la petite enfance. Menée en 2010, elle a influencé toute une génération de mamans à ne laisser pleurer leur bébé sous aucun prétexte, au risque de lui abîmer le cerveau. En cause : un déluge de cortisol lié aux larmes. Ces injonctions vis-à-vis des mamans m’ont toujours semblé fortes et, d’une certaine façon, opposées à ce qui me semblait être juste et constructif pour l’enfant et la famille.

Est-ce que je veux dire qu’il faut abandonner bébé à ses pleurs tout seul dans sa chambre, la porte bien fermée pour ne pas déranger les autres membres de la famille ? Absolument pas ! Malgré tout, entre ces deux extrêmes, il y a, comme toujours, tout un panel de possibles à étudier. Mon expérience m’a appris qu’il est impossible de prendre des décisions en fonction d’une étude qui nous est inconnue. Car oui, ce qui est dit d’une étude pour le grand public peut être bien différent de ce qui a réellement été cherché et découvert lors des recherches ou études scientifiques. C’est la raison pour laquelle, avant de me prononcer et d’asseoir mon avis sur la question, j’ai décidé de lire cette étude -de la relire et re-relire même !- afin de bien en comprendre les enjeux et le déroulé. De façon générale, lorsqu’il s’agit d’études scientifiques, il est préférable d’y aller prudemment. J’ai aujourd’hui très à cœur de vous partager ce que j’en ai déduit et qui peut considérablement changer le regard que vous portez sur les pleurs de bébé, la production de cortisol et le bon développement de l’enfant. Je vais tenter ici de rendre mon propos clair et étayé.

Je précise que l’étude de Wendy Middlemiss est trouvable en ligne gratuitement dans sa version anglaise.

L’objectif de l’étude Middlemiss

L’étude du Pr. Wendy Middlemiss, menée en 2010 en Nouvelle Zélande et qui a eu cette forte répercussion dans les réseaux de maternage depuis 10 ans, s’intitule “Asynchronie de l’activité de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien de la mère et du nourrisson après l’arrêt des pleurs du nourrisson induite pendant la transition vers le sommeil”. L’objectif de l’étude porte sur la synchronicité des réactions mère-enfant et de leur stress respectif en fonction des signaux que perçoit la mère de la part de son enfant.

Le résultat de l’étude met en évidence qu’il existe une asynchronie de la production d’hormone du stress chez la mère et le nourrisson à partir du moment où la mère ne perçoit plus les signaux de détresse de son enfant. Dit autrement, si la mère n’entend plus son enfant pleurer alors sa production d’hormones liées -le cortisol- baisse, alors même que la production de cortisol de son enfant peut rester élevée. Il faut bien comprendre que l’étude a été menée en lien avec le concept de synchronisation mutuelle entre la mère et son enfant durant les premiers mois de vie.

Pour citer directement la phrase de conclusion du résumé fait de l’étude : “Les résultats sont discutés en relation avec la compréhension des déterminants et des implications de la synchronisation physiologique mère-nourrisson dans la petite enfance.” Cela consiste à dire que, dans les premiers mois de vie, les ressentis et sécrétions hormonales entre la mère et son bébé lors de leurs interactions sont similaires, ou du moins vont dans la même direction. Si le nourrisson est en détresse et produit du cortisol et que sa mère perçoit sa détresse, alors son taux de cortisol à elle va aussi augmenter.

Le déroulé de l’étude Middlemiss

Pour comprendre les enjeux et les résultats d’une étude, quelle qu’elle soit, il faut connaître son déroulé et l’ensemble des éléments pris en compte. L’étude porte sur 25 nourrissons âgés de 4 à 10 mois qui participent à un programme d’entraînement au sommeil sur 4 jours (soit 3 nuits), en milieu hospitalier. Les familles étaient d’origine ethnique diverse et les mères de formation variée. Idem pour les revenus familiaux. Les mères ont choisi délibérément de participer à l’étude de Wendy Middlemiss ; elles ont été informées de son existence par leur sage-femme ou médecin, qui les ont orientées en raison des difficultés qu’elles pouvaient rencontrer vis-à-vis du sommeil de leur enfant. Principalement la routine du sommeil, mais aussi de leur ressenti dans leur capacité à s’occuper de leur enfant, ou de l’absence de soutien dont elles pouvaient bénéficier au quotidien par rapport à leur bébé.

La journée, les mères s’occupaient des nourrissons en compagnie du personnel soignant (changes, siestes, occupations). Le soir, les mères partaient des chambres des bébés une fois que ceux-ci étaient placés dans leur lit. Il revenait donc aux bébés de s’installer en autonomie pour le sommeil et de s’endormir seuls. Quels que soient les pleurs ou les appels des bébés, les mères ne rentraient plus dans les chambres. Tous les soins de nuit étaient prodigués par les infirmières et non par les mamans. Les mamans ne retournaient pas non plus dans la chambre de leur enfant s’il se réveillait la nuit. Ils devaient s’apaiser seuls et se rendormir en autonomie. Des prélèvements salivaires ont été effectués chez le nourrisson avant le coucher puis 20 minutes après l’endormissement, la 1ère nuit et la 3ème nuit (la dernière). Idem chez les mères.

Il faut préciser que les mères entendaient les pleurs de leur bébé avant le coucher, mais ne les entendaient plus après le coucher, elles étaient dans une autre pièce. Lorsque les nourrissons pleuraient au-delà de 5 à 10 minutes, les infirmières rentraient dans les chambres et vérifiaient que ceux-ci étaient bien emmaillotés avant de re-sortir.

Les résultats mis en avant par l’équipe de recherche

Constats basés sur l’expérimentation

La première nuit, les bébés ont beaucoup pleuré (au minimum 2 fois 5 à 10 minutes). La troisième nuit, les bébés ont moins pleuré, voire presque plus. Les prélèvements de première nuit montrent des taux de cortisol élevés chez les nourrissons, ainsi que chez les mères, avant et après la routine du coucher. Par contre, les prélèvements de la troisième nuit (il n’y a pas eu de prélèvements la deuxième nuit) indiquent une réaction physiologique différente entre le nourrisson et sa mère : les taux de cortisol restaient élevés chez les bébés avant et après le coucher, de la même façon que la première nuit, alors que, à l’inverse, les taux de cortisol chez les mères baissaient entre le moment du coucher et après le coucher.

Analyses tirées des résultats de l’étude Middlemiss

Ainsi, les analyses de l’étude, tirées de ces résultats, sont les suivantes :

  • Les niveaux de cortisol des mères et des nourrissons étaient associés avant et après la transition au sommeil le jour 1, et ne l’étaient plus au jour 3.
  • L’entraînement au sommeil a donc altéré la synchronisation entre la mère et son enfant, ce qui soutient l’hypothèse de départ de l’étude qui était uniquement : “Le fait que les mères soient séparées physiquement de leur bébé induit une désynchronisation « mère-enfant » en termes de production de cortisol”.

L’hypothèse de base de cette étude et ses conclusions n’ont donc rien à voir avec une étude portant sur le fait de se questionner sur “L’entraînement au sommeil est-il délétère pour la santé de l’enfant ? Et provoque-t-il une augmentation du taux de cortisol chez le bébé, délétère sur le long terme en comparaison à une absence de ces pratiques et à une perduration des troubles du sommeil ? ”.

Il manque énormément de paramètre pour cela, et je vais le développer juste après. Il y a donc eu une dérive importante des conclusions tirées de cette étude et du téléphone arabe qui en est ressorti.

Les répercussions de l’étude Middlemiss

“Il ne faut surtout pas faire pleurer son bébé !” Voici ce qui en est ressorti dans les réseaux de maternage. « Dans quelque circonstance que ce soit, il ne faut pas que bébé pleure. Cela le fait stresser, lui fait produire du cortisol et, par voie de conséquence, risque d’abîmer son cerveau. »

Les résultats de l’étude et la traduction grand public qui en est faite mettent les parents devant un dilemme cornélien : bébé ne doit surtout pas pleurer, mais en même temps bébé doit dormir et, tout aussi important, papa et maman doivent pouvoir dormir aussi ! Et si l’on va plus loin encore : bébé ne doit JAMAIS pleurer ! Imaginez l’effet de telles injonctions sur la culpabilité parentale face à un bébé avec un RGO interne douloureux, pleurant sans cesse durant des semaines et des heures, ou face à un bébé simplement perturbé, ou avec des pleurs du soir.

Je rencontre chaque jour depuis 4 ans des parents en proie à de véritables traumatismes et terreurs vis-à-vis du moindre cri de leur bébé. Alors, que faire ? Les parents doivent-ils être rongés de culpabilité d’essayer de guider leur bébé vers des nuits complètes ou bien de ne pas réussir à le faire arrêter de pleurer lorsque ce dernier se met à pleurer sans raison apparente ?

Vous l’avez compris, je pense sincèrement qu’il ne faut pas tirer de conclusions hâtives et que BEAUCOUP de choses sont à nuancer vis-à-vis de cette étude.

Mes réflexions sur l’étude Middlemiss

Constats basés sur l’expérimentation

S’il y a bien une chose sur laquelle l’ensemble de la communauté scientifique s’accorde depuis toujours, c’est qu’une étude, quelle qu’elle soit, est toujours orientée. C’est normal puisqu’elle a un but ! Quelque chose est recherché et les moyens sont alloués pour cela. Les valeurs, les croyances des chercheurs et les contextes de recherche influent également sur les études. Et c’est tout à fait normal, les chercheurs sont des êtres humains avant tout, avec un passé, un mode de croyance et des projets d’avenir.

Ainsi, remettre en question une étude c’est finalement juste ne pas être totalement d’accord avec le pourquoi et/ou le comment. Et -heureusement- cela se fait tout le temps ! De nouvelles études confirment ou au contraire, infirment d’autres études précédentes, et ce dans tous les domaines scientifiques. Les moyens techniques évoluent également, ce qui donne aussi, au fil des années, des perspectives différentes. Il n’est pas incongru de réfléchir sur le fond et sur la forme d’une étude qui, qui plus est, est la seule dans ce domaine sur les dernières décennies.

Avant toute chose, rappelons simplement que le but de l’étude n’était pas de savoir si laisser pleurer son bébé au coucher permettait ou non de réduire les troubles du sommeil, ou si c’était nocif pour lui, mais bien d’étudier UNIQUEMENT la synchronicité mère-enfant : produisent-ils du cortisol en même temps ? Point. Les résultats ont ensuite été détournés dans leur interprétation, et il est ESSENTIEL de le noter.

Les points à évoquer absolument pour se faire sa propre opinion

De ce que nous savons sur le déroulement de l’étude et que je vous ai présenté, il est possible de déplorer les éléments suivants :

L’étude n’a été menée que sur 25 enfants. Nous pouvons nous demander si c’est un échantillon assez représentatif. De même, l’étude est menée sur uniquement 3 nuits et les mesures prises ne l’ont été que sur la nuit 1 et la nuit 3. Est-ce suffisant pour en tirer des conclusions complètes ?

Il aurait peut-être été intéressant aussi de regarder les taux de cortisol en journée en fonction des différentes activités de l’enfant. De plus, l’étude précise elle-même que certains échantillons de prélèvement n’ont pas pu être exploités en raison d’une insuffisance de salive dans chaque échantillon. Nous pouvons nous demander quels auraient été les résultats complets.

Mais surtout, il n’y a pas de nuance apportée en termes d’apprentissage au sommeil, ni de proposition de définition, ni de groupes différents en termes d’approche de méthodologie d’accompagnement des bébés en question. Il n’y a pas non plus de groupe témoin qui permettraient de mesurer le taux de cortisol des mères et des bébés après plusieurs nuits passées sans dormir en raison d’une absence d’entraînement au sommeil et ni de comparaison des taux de cortisol chez les bébés ayant retrouvé, au bout de plusieurs jours/semaines un sommeil de qualité, et ceux du groupe témoin, pour qui ça n’aurait pas été la cas. Ce qui me paraît être la donnée la plus essentielle de l’étude en réalité !

Et enfin, le plus important : il n’y a pas de groupe témoin qui permettrait de voir quels seraient les taux de cortisol et la synchronicité mère-enfant si c’était les mères qui s’étaient occupées elles-mêmes de leur enfant, ni si l’entraînement au sommeil s’était déroulé dans l’environnement familial des nourrissons.

Focus sur l’environnement de l’étude

Arrêtons-nous sur ce dernier point qui m’a particulièrement choqué. Pour rappel, comme évoqué plus haut, le cortisol est une hormone sécrétée en cas de stress. Quoi de plus stressant pour un nouveau-né que d’être :

  • séparé de sa maman, sans son odeur, sa chaleur, le son de sa voix ;
  • dans un lieu inconnu (avec tout ce que cela comporte : pas dans son lit, pas les mêmes odeurs, pas le même environnement visuel) ;
  • et pris en charge par des personnes inconnues ?

Il apparaît alors évident que le bébé va pleurer, stresser et produire du cortisol au moment où il se retrouve seul, fatigué de sa journée dans ce lieu inconnu et donc moins à même de gérer ses émotions, et qu’il GARDERA ce stress, même s’il a mis en place des stratégies de sommeil autonomes et que sa relation au sommeil s’est apaisée et qu’il ne pleure plus ! Car le stress en question n’est peut-être pas lié au sommeil ou à l’endormissement ou aux pleurs, mais bien à l’environnement et au simple sentiment d’insécurité. Je vous assure que si vous deviez dormir dans un lieu que vous ne connaissez pas et perdre tout contact avec votre personne référente malgré vos appels, vous ne dormiriez nécessairement pas sur vos deux oreilles et resteriez en alerte. Il s’agit là d’un mécanisme lié à la survie et tout à fait normal (et pas forcément délétère). Vous ne pleureriez pas forcément, mais votre corps vous maintiendrait « hormonalement » en alerte.

Rappel sur l’apprentissage du sommeil

Le postulat de recherche ici est : est-ce que l’entraînement au sommeil altère la synchronicité mère-enfant ? Or, nous avons vu plus haut qu’il n’y a pas à “apprendre à son bébé à dormir”. L’objectif, lorsqu’il s’agit du sommeil, est simplement de lui proposer les meilleures conditions pour dormir, et c’est tout. Or, les meilleures conditions pour le sommeil sont : sécurité et accueil des émotions. Deux éléments absolument et complètement absents dans cette expérimentation ! Il est alors impossible de tirer de cette étude, en réalité, des conclusions quelconques concernant le sommeil de bébé, ses pleurs et un taux de cortisol en hausse.

Les pleurs comme moyen d’expression de bébé

Je vous invite, en parallèle, à considérer ceci : un bébé n’a aucun autre moyen d’expression que ses pleurs. Est-ce pour autant qu’il ne vit aucune émotion ? Non ! Mais il n’a que les pleurs pour exprimer toute la palette des émotions qui le traversent. Comme le montrent les travaux d’Aletha Solter et d’Agnès Petit-Mielet que nous allons approfondir juste après, les bébés ont un besoin physiologique de pleurer pour s’exprimer, pour intégrer les évènements de leur quotidien, pour apprendre à gérer leurs émotions en les extériorisant, et surtout : pour décharger leur trop plein de cortisol !

Empêcher un bébé et un enfant de pleurer revient à nier ses émotions au lieu de les accueillir, et peut le pousser vers des comportements de compensation non souhaitables que nous allons détailler. Ajoutons que pleurer aide justement le cortisol circulant à être éliminé plus facilement. Et cela est vrai pour les petits comme pour les grands. Bébés, enfants et adultes ressentent un apaisement physiologique important après avoir pleuré. Enfin, Agnès Petit Mielet (2) nous explique que le fait de pleurer aide l’enfant à mieux réguler son système nerveux. En sortant de ses pleurs par lui-même, il apprend à activer son système nerveux parasympathique (celui du calme, de l’apaisement et du repos).

Conclusion

L’affirmation qui consiste à dire que la surproduction de cortisol abîme le cerveau sur le long terme est a priori exacte. Un nourrisson en stress permanent ne peut pas se développer correctement. Ses apprentissages sont ralentis et/ou bloqués. Mais ici il y a une confusion énorme vis-à-vis de ce qui provoque la surproduction de cortisol, ainsi que sur l’impact d’une surproduction temporaire ou chronique.

Il me semble important de revenir sur les points suivants pour conclure : les résultats de l’étude de Middlemiss ont été à mon sens profondément détournés et leur compréhension erronée. Cela se traduit depuis plus de 10 ans par une grande souffrance des familles, et surtout des jeunes mères qui interviennent immédiatement face aux pleurs de leur bébé et aux troubles du sommeil qu’induisent ce comportement. Ceci induit la plupart du temps la mise en place de stratégie de sommeil dépendantes et conforte le parent dans un rôle intrusif vis-à-vis du sommeil de son enfant, pendant que dans le même temps, l’enfant perd sa confiance en sa capacité à s’endormir seul. Les parents, épuisés, perdent leur patience et leur santé, sans pour autant trouver de solution pour que leur enfant dorme suffisamment. Le manque de sommeil, pour chacun des membres de la famille, est un problème de santé publique, puisque ce dernier induit justement un taux de cortisol trop élevé chronique, véritablement délétère pour la santé cette fois.

Il est donc important de remettre les choses dans leur contexte. Oui, il est possible d’accompagner bébé vers un sommeil autonome et suffisant, et ce parfois dans la nécessité d’une phase de changement de ce qui était en place, d’un deuil de l’avant et donc de l’accueil et la reconnaissance des émotions de protestations de l’enfant. Ceci sans susciter une hausse chronique de cortisol chez son bébé et sans abîmer son cerveau. Et c’est même l’inverse qui se produit : l’enfant va décharger son trop plein de cortisol dû au manque de sommeil, par les larmes, avec soutien, présence et amour du parent et pouvoir s’apaiser durablement.

Chez Fée Dodo, jour après jour depuis 5 ans, nous accompagnons des centaines de bébés vers l’endormissement autonome, lorsque c’est leur chemin, et donc des centaines de famille vers un meilleur sommeil, vers plus de sérénité et d’accueil des émotions.

Sources et commentaires

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