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Physiologie du sommeil : comprendre l’enjeu du cortisol chez son enfant

Physiologie du sommeil : comprendre l’enjeu du cortisol chez son enfant

Physiologie du sommeil : comprendre l’enjeu du cortisol chez son enfant

Ceci est un article bonus en lien avec un QRcode du livre de Caroline Ferriol « Le Grand Guide du Sommeil de mon Bébé »

Les informations que vous trouverez dans ce chapitre sont le fruit de connaissances conjointes : les miennes, mais aussi celles d’Aurélie Montin. Consultante Sleep Angel (1) au sein du Village Fée Dodo, elle consacre sa carrière à l’univers du sommeil des adultes et à l’accompagnement des adolescents et des adultes rencontrant des troubles du sommeil. Aurélie est également l’autrice d’Insomnie, hors de mon lit, podcast de référence sur la thématique du sommeil. Elle y partage du contenu gratuit pour aider les adultes de tout âge à sortir de l’insomnie chronique de façon naturelle. Vouloir agir sur le sommeil (le nôtre ou celui de nos enfants) implique de bien le connaître, de comprendre ses mécanismes et ce qui peut venir les entraver. Je vous propose, dans ce chapitre, de plonger au cœur de notre cerveau, mais aussi de notre système hormonal pour bien appréhender ce phénomène inné et vital qu’est le sommeil. Comme vous l’aurez compris, dans notre corps, l’alternance veille-sommeil suit un rythme régulier chaque jour. On parle de rythme circadien et sa durée est de 24h, avec l’alternance jour/nuit. Notre corps n’est pas programmé pour faire n’importe quoi à n’importe quel moment : il existe réellement un (ou des, pour les enfants) moment(s) plus précis pour le sommeil.

Horloge biologique et pression de sommeil : les deux piliers physiologiques du sommeil

Notre horloge biologique
Une horloge biologique centrale

 

De la vie in utero à l’âge adulte, en passant par l’enfance et l’adolescence, notre organisme suit des schémas tout à fait similaires chaque jour. Il varie entre les générations, mais sur des configurations bien définies.

Pendant longtemps les scientifiques se sont posé cette question déterminante : mais comment sait-il à quel moment il doit dormir ? Ils ont aujourd’hui trouvé la réponse, une réponse qui fait “tic tac”. Un “tic tac” assez discret qui résonne dans notre tête et qui est diablement efficace. Vous êtes-vous déjà demandé comment les écureuils savent à quel moment faire des réserves pour l’hiver ? Comment savent-ils à quel moment se réveiller après leur longue hibernation ? Ou encore, que dire de la magicicada septendecim, une espèce de cigales qui ne se réveille que tous les… 17 ans !?

Et bien tout ceci est possible grâce à ce fameux “tic tac” : une véritable horloge biologique qui permet à tous les êtres vivants de suivre un rythme qui leur est propre. Celle de notre espèce est basée sur 24h… Environ ! Les études et expérimentations ont démontré que ce rythme est en réalité plus proche des 25h, mais grâce à l’action des “synchroniseurs de temps”, notre cerveau s’ajuste au rythme horaire de notre société : 24h.

L’importance de la lumière sur l’horloge biologique

Les synchroniseurs de temps ? Ce sont tous les éléments de notre quotidien et de notre environnement qui agissent sur notre horloge biologique, comme l’alimentation, la température et les moments sociaux, par exemple. Le plus important de ces synchroniseurs de temps est la lumière du jour.

Nos yeux et notre cerveau captent la lumière, son intensité, son spectre, l’inclinaison de ses rayons sans même que nous en ayons conscience. Cela est rendu possible grâce aux neurones à mélanopsine situés tout en bas de la rétine, qui reçoivent et transmettent ces informations à notre horloge biologique centrale en leur indiquant “l’heure qu’il est dehors”. Ainsi, la lumière informe et permet à notre horloge biologique de se mettre à jour puisque la lumière naturelle n’est pas la même le matin que le soir au coucher de soleil.

Bien informée, bien synchronisée, notre horloge biologique joue le rôle d’un véritable maître du temps pour tout ce qui concerne les rythmes de notre organisme, les productions hormonales ainsi que l’activité nerveuse qui lui sont liées.

Une cascade de réactions hormonales orchestrée par notre horloge biologique

Il est important de comprendre que pour induire le sommeil et permettre qu’il puisse s’installer durablement toute la nuit, 3 grands facteurs entrent nécessairement en jeu :

  • une production significative de mélatonine ;
  • une baisse du taux de cortisol ;
  • une baisse de la température corporelle.

L’action régénératrice du sommeil est la résultante de la combinaison fine de ces éléments cruciaux. Un simple déséquilibre de l’un ou de l’autre peut entraîner des troubles du sommeil, tels que des difficultés à s’endormir, des réveils nocturnes, des insomnies ou des réveils trop matinaux et une mauvaise récupération / sensation de fatigue diurne.

C’est notre horloge biologique centrale, aussi appelée horloge circadienne, située au centre de notre cerveau (dans les noyaux suprachiasmatiques) qui va donner l’heure à tous nos autres régulateurs de temps biologiques :

  • La glande pinéale (ou épiphyse) qui produit de la mélatonine (l’hormone du sommeil) de la fin de soirée (vers 19/20h suivant la saison) indiquant à notre organisme qu’il est temps de passer au lit, pour atteindre son pic (vers 2/3h du matin et jusqu’à 6h). Attention, ce n’est pas une hormone sédative, elle ne vient pas “endormir” notre corps. Elle vient inhiber les différents centres de l’éveil, nous permettant ainsi de ralentir le rythme pour ensuite passer au lit. Sécrétée en l’absence de lumière, elle vient crier “c’est l’heure !” à notre horloge périphérique. Les études montrent que de sa quantité dépend en partie la durée du sommeil profond générée pendant la nuit, d’où le fait que nous en bénéficions principalement en début de nuit.
  • L’hypothalamus, qui est impliqué dans la production du cortisol (hormone du stress et de l’éveil). Il sollicite l’action de la glande pituitaire (ou hypophyse) qui va produire une hormone (l’ACTH ou hormone adrénocorticotrope). Celle-ci va ensuite solliciter les glandes surrénales afin qu’elles synthétisent du cortisol. Le couple hypothalamus et glande pituitaire sont le véritable chef d’orchestre du fonctionnement du système cardio-vasculaire, du système digestif et de l’activité rénale et surrénalienne.
  • La thyroïde, qui fait varier la température de notre corps via l’activation générale de notre métabolisme.

En détaillant simplement ceci, nous avons déjà expliqué une grande partie des mécanismes du sommeil !

Je vous ai présenté plus haut la mélatonine comme l’hormone du sommeil, mais savez-vous qu’elle est également une hormone antioxydante indispensable à notre santé ?

La mélatonine a en effet un autre rôle, bien moins connu et pour autant tout aussi essentiel : elle est l’un des antioxydants les plus puissants de notre corps. En d’autres termes, elle évite ainsi le vieillissement prématuré de l’ensemble des tissus. De plus, elle a la rare faculté d’être capable de passer la barrière protectrice de notre cerveau (appelée barrière hémato encéphalique), lui permettant de prendre soin de lui la nuit !

Nous pourrions le dire autrement : sans une production de mélatonine suffisante, le sommeil est moins profond donc moins récupérateur et notre organisme vieillit plus vite, notamment au niveau cérébral/cognitif, ce qui fait le lit des différentes maladies neurodégénératives, dites maladies de civilisation, tant leur développement a explosé littéralement lors des dernières décennies.

Une horloge biologique périphérique

La lumière permet la synchronisation de notre horloge biologique centrale, mais d’autres éléments sont aussi à citer : les moments sociaux, l’activité physique, la température extérieure ou encore l’alimentation. La régulation de ces donneurs de temps est donc essentielle pour les bébés et leur sommeil. Ces différentes activités viennent soutenir notre rythme jour/nuit au travers de notre horloge biologique périphérique. La plupart de nos organes possèdent des gènes spécifiques leur permettant à la fois de recevoir des informations de l’horloge biologique centrale, mais aussi d’avoir leur propre rythme.

Prenons l’exemple de la digestion pour illustrer cela. Il est 2h du matin, le message envoyé par l’hypothalamus depuis plusieurs heures maintenant est : “C’est la nuit, tout le monde au repos”. Donc aucune sécrétion enzymatique n’est prévue, ni d’activité de l’estomac, du foie ou des intestins, etc. Mais imaginons qu’un petit creux vous prend au milieu de la nuit ou bien que vous ayez mis en place une stratégie de sommeil incluant la succion ou la nourriture. Vous mangez et tout votre système digestif va venir s’activer, avec difficultés certes, mais malgré tout de façon assez opérationnelle. Et heureusement, car je vous laisse imaginer l’état de votre système digestif avec un morceau de fromage qui resterait bloqué pendant des heures et des heures. L’action urgente prend donc le pas sur l’impulsion initiale donnée par notre horloge biologique centrale.

Et que se passe-t-il si chaque nuit nous nous levons à la même heure pour picorer dans le frigo ? Et bien notre horloge biologique périphérique va intégrer ce message et peu à peu se désynchroniser d’avec notre horloge centrale. Il en résulte généralement une sensation de fatigue diurne, une altération des fonctions digestives, un déséquilibre des productions hormonales de faim et de satiété, car rien ne se fait plus au bon moment, et la régénération des organes s’en trouve amoindrie.

Cela rappelle peut-être quelque chose à celles et ceux d’entre vous qui ont fait l’expérience du décalage horaire. Ces sensations peuvent mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines à se dissiper lorsque l’on retrouve notre rythme normal. Sensation de mal-être et de fatigue qu’on retrouve également chez les travailleurs de nuit ou les travailleurs postés.

Notre rythme circadien constitue ainsi le premier système de régulation de notre sommeil. Il est soutenu par notre horloge interne -bien synchronisée- et a un système hormonal fonctionnel. Si l’un de ces deux éléments dysfonctionne, le sommeil vacille.

La fatigue et son signal

Notre faculté à dormir dépend également d’un autre système de régulation, un second pilier bien distinct, mais tout aussi essentiel, appelé balancier homéostatique. Il s’agit de l’alternance entre la pression de l’état de veille et la pression du sommeil.

La journée, notre corps dépense de l’énergie, tous nos organes sont en pleine action, toutes nos cellules sont à plein régime. Elles vont consommer de l’énergie et produire des déchets. L’un d’entre eux, appelé adénosine (engendré par l’activité cellulaire), nous intéresse ici car il a un rôle bien particulier : informer notre cerveau que le corps a bien travaillé, qu’il est fatigué et doit se reposer.

L’adénosine vient se fixer à des récepteurs spécifiques dans notre cerveau tout au long de la journée. Lorsque tous les récepteurs à adénosine sont saturés alors le message est sans appel : il faut dormir, c’est l’heure du nettoyage ! Nettoyage cérébral qui aura lieu pendant nos phases de sommeil profond, donc principalement en début de nuit, et qui, d’une certaine façon, remet le compteur “activité” à zéro.

À l’inverse, la pression de l’état de veille va augmenter avec le temps passé à dormir, mais aussi par rapport à la qualité du sommeil obtenu. Ainsi, après les phases prononcées de sommeil profond du début de nuit, la pression de veille commence à se faire sentir. C’est une des raisons pour laquelle il peut être plus difficile de se rendormir vers 4h ou 5h du matin, plutôt qu’à 1h ou 2h du matin.

Horloge biologique et pression de sommeil : deux mécanismes qui peuvent se dissocier

Lorsque notre vie et nos activités respectent les possibilités du corps, alors il s’installe une parfaite harmonie entre notre horloge interne et la pression de sommeil. Mais parfois, ces deux mécanismes se retrouvent dissociés, ou du moins un peu décalés, pour le meilleur comme pour le pire.

La pression de sommeil va par exemple permettre de faire une sieste en cas de grosse fatigue, quel que soit le moment de la journée et est notamment essentielle dans le rythme de sommeil de jour des tout-petits.

À l’inverse, une pression de sommeil insuffisante par manque d’activité (trop de transat ou de poussette durant le temps d’éveil) ou temps d’éveil trop court peut venir retarder l’endormissement, malgré un équilibre hormonal bien en place.

L’enjeu d’une bonne alternance mélatonine / cortisol pour le sommeil

La compréhension des différents mécanismes évoqués jusqu’ici permet de mettre en évidence les éléments et habitudes qui viennent soutenir cette fonction réparatrice innée qu’est le sommeil. À l’inverse, il est aussi plus facile d’appréhender tout ce qui peut venir l’entraver et empêcher de se sentir reposé. Et ce, depuis la naissance, l’enfance, l’adolescence ou à n’importe quel moment de la vie adulte.

Je vous propose à présent d’aller un petit peu plus loin. En effet, avec la lumière, un autre facteur est absolument à prendre en compte, car très impactant à tout âge, et notamment chez les tout-petits : le stress !

“Le stress ? À tout âge ? Comment mon bébé de 2 mois peut-il être stressé ? Je lui apporte absolument tout ce dont il a besoin et il n’a aucune contrainte extérieure ?”, vous étonnez-vous peut-être. Si l’on considère uniquement le stress comme un élément extérieur lié à l’activité professionnelle, à la finance, à un examen à passer ou aux relations sociales, alors oui, votre enfant de 2 mois n’a pas de stress.

Mais la notion physiologique du stress est beaucoup plus large que cela, et elle est étroitement liée au sommeil via la production de cortisol.

L’alternance hormonale entre production de mélatonine et production de cortisol est l’équilibre le plus fréquemment mis à mal dans nos sociétés. Régler la problématique de hausse chronique du cortisol vient régler rapidement un grand nombre de troubles du sommeil.

Ces productions hormonales peuvent même s’altérer dès la naissance, d’où l’intérêt de s’y arrêter un peu plus longuement. Gardons simplement en tête que, même si ce mécanisme est un des plus importants lorsqu’il s’agit de notre sommeil, il fait cependant partie d’un tout. N’importe quel petit grain de sable dans les rouages de notre physiologie peut potentiellement se répercuter sur le sommeil.

La production de mélatonine

Deux éléments sont à considérer lorsqu’il s’agit de mélatonine : soutenir sa production, et ne pas venir bloquer sa production !

Soutenir une production suffisante de mélatonine

Comme nous l’évoquions plus haut, la mélatonine est une hormone, et comme toute hormone elle est produite à partir de ce que nous mangeons. Précisément, pour notre hormone du sommeil, il nous faut suffisamment de tryptophanes, un acide aminé contenu dans les protéines de nombreux aliments tels que la viande de volaille, l’avoine, la banane, le riz complet, les oeufs ou encore les légumineuses comme les pois cassés.

Le tryptophane va d’abord être synthétisé en sérotonine, une autre hormone, celle du bien-être et de la joie, avant d’être elle-même utilisée pour produire de la mélatonine. De nombreuses réactions chimiques ont lieu tout au long de ce processus, pour que celui-ci soit mené à bien, et le corps va ainsi mobiliser différentes enzymes, oligo-éléments, minéraux et vitamines (notamment la vitamine D). Si notre organisme manque de certaines de ces ressources, alors cela peut se traduire par une production insuffisante de mélatonine, et un sommeil plus difficile.

Et chez bébé ? Le lait maternel ou maternisé contient tous les acides aminés et éléments nécessaires à la synthétisation des différentes hormones du corps. C’est au moment à la fois du sevrage et du passage à l’alimentation solide complète qu’il est important de veiller à ce que ces apports soient optimaux (vers 3 ans pour la plupart des enfants), mais également et d’autant plus durant ces 3 premières années, de veiller à ce que votre bébé ait la quantité de lait maternel ou maternisé nécessaire à son âge !

Éviter de bloquer la production de mélatonine

Souvent, chez petits et grands, c’est surtout ce second point qui pêche. En effet, nos habitudes de vie dans nos sociétés modernes, ainsi que notre environnement direct, peuvent considérablement nuire à notre production de mélatonine. Un seul mot à retenir pour comprendre cela : LUMIÈRE.

Souvenez-vous, la mélatonine est synthétisée sous l’impulsion de deux signaux : le tic tac de notre horloge interne, ainsi que l’obscurité. Si notre horloge interne crie “c’est l’heure !”, mais qu’il fait complètement jour autour de nous, peu -voire pas- de mélatonine ne sera produite. Il faudra attendre l’obscurité pour que ce mécanisme se mette en place, ce qui peut retarder l’endormissement et surtout altérer la qualité de nos nuits.

Ainsi, la lumière des écrans, quels qu’ils soient (téléphone, tablette, ordinateur et même télévision dans une plus petite mesure), les plafonniers très puissants, les ampoules de lumière blanche et vive partout dans la maison, mais aussi potentiellement les veilleuses très lumineuses des chambres d’enfants, peuvent être l’ennemi numéro un du sommeil.

 

La production de cortisol

Pour bien comprendre l’enjeu du cortisol à notre époque, il faut déjà commencer par bien comprendre son rôle premier, et ses différentes fonctions au sein de notre organisme.

En associant le cortisol au stress, nous l’avons rendu particulièrement impopulaire. Or, n’oublions pas, comme nous l’avons vu précédemment, que nous produisons du cortisol de façon complètement naturelle, quoi que nous fassions dans notre journée. C’est une hormone comme de nombreuses autres, libérée en plus ou moins grande quantité selon le moment de la journée. Produite par nos glandes surrénales (petites glandes situées au-dessus des reins), sa fonction première est de nous permettre d’être… éveillés ! Tout simplement. C’est grâce à cette hormone que nous pouvons sortir du lit le matin et être dans l’action et le mouvement.

Donc ce n’est pas sa production qui est problématique, mais bien sa surproduction. Et pour être plus précis c’est en réalité sa surproduction chronique (de manière répétée) qui est vraiment nuisible à tout âge de la vie.

 

Les raisons d’une hausse de production de cortisol

Le cortisol est une hormone dite de “l’adaptation”. C’est-à-dire que la variation de sa production est directement liée à la pression de notre environnement et à nos besoins d’adaptation. Je parle ici de la production supplémentaire de cortisol, au-delà de sa production normale (ref. schéma n°1).

Il fait très froid dehors, ou très chaud, vous allez produire plus de cortisol. Vous êtes stressé par votre manager, par la charge de travail, par des tensions au sein de votre couple, par un examen qui approche ou vous êtes gêné par le bruit incessant des klaxons de la rue, vous allez produire plus de cortisol. Vous souffrez d’un état inflammatoire chronique, de douleurs chroniques, ou encore vous présentez une hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, vous allez produire plus de cortisol. Vous pratiquez une activité sportive de haute intensité régulièrement, vous produisez plus de cortisol.

Un enfant qui ressent la peur chez l’adulte va produire du cortisol. Un enfant qui n’est pas accueilli dans ses émotions et laissé à pleurer seul des heures va produire du cortisol.

Chez les enfants, les sources de stress, et donc de production de cortisol, sont extrêmement nombreuses (2) : il y a d’abord les stress prénataux, soit vécus par les parents (déménagement, séparation, tensions professionnelles, surmédicalisation de la grossesse par exemple), soit par lui-même (le stress d’être parfois comprimé dans le ventre ou encore mal positionné). Évidemment, d’autres stress sont liés à la naissance. Sortir du ventre maternel est une épreuve pour tous les bébés : en effet, ils passent de l’impesanteur à la pesanteur, débarquent sur une planète qui tourne à plus de 1000 km/h, dans une salle d’accouchement à une vingtaine de degrés (alors qu’ils ne connaissent que le ventre bien chaud, à température constante de 37 degrés), où les sons feutrés laissent place à des bruits d’objets métalliques. Sans compter les méthodes employées si l’accouchement est un peu difficile (ventouses et autres forceps) et la prématurité éventuelle… S’ajoutent à cela les stress des premiers jours de vie, avec le retour à la maison, la rencontre avec la fratrie éventuelle, avec l’entourage, la découverte d’une maison agitée, des premières fêtes de famille, des supermarchés, etc. Ces surstimulations sont autant de sources de stress. En grandissant, s’ajoutent encore pour l’enfant d’autres sources de stress, tels que les besoins non satisfaits et les frustrations.

Le stress n’est pas forcément une chose négative : le corps répond simplement à une stimulation externe. Lorsque vous sautez de joie et que votre cœur bat à tout rompre, il s’agit aussi d’une réaction physiologique de stress !

Avec sa grande résilience et ses extraordinaires capacités d’adaptation, notre corps a toujours su gérer différentes formes d’agression au fil des millénaires passés. Un problème ? Un danger dans notre environnement ? Nous assistons alors à une production immédiate de différentes hormones de la survie (telles que l’adrénaline ou la noradrénaline), ainsi qu’à une hausse du taux de cortisol. Le danger est-il passé ? Alors repos. Cela se traduit par une disparition immédiate des hormones impliquées dans les processus de survie puis, progressivement, par une baisse du taux de cortisol. C’est une dynamique bien rodée pour notre corps : autant d’action que de repos.

Or, dans nos sociétés aujourd’hui, le vrai danger, le danger pour sa survie est rare -et heureusement. Par contre, les situations stressantes et le mode “action” sont activés en permanence, au grand détriment du mode “repos” associé au calme, à l’inactivité et au sommeil. Cette absence d’alternance entre repos et stress au profit d’un stress constant est bien connue sous le nom de “stress chronique”. Or, souvenez-vous, le taux de cortisol doit être extrêmement bas pour accueillir le sommeil le soir ! Comment trouver le sommeil et rester endormi avec des taux de cortisol incontrôlables ?

Cette situation fait le lit de l’insomnie, considérée ici au sens large comme toute insuffisance significative et fréquente de sommeil sur une période relativement longue. Pour résumer, le cortisol ne produit pas le stress ; il est le reflet d’un état de stress de l’organisme et il va engendrer diverses conséquences sur absolument tous les éléments de notre santé, notamment au travers de la dette de sommeil qu’il induit.

 

Les conséquences d’une production excessive et chronique de cortisol sur notre sommeil et notre santé

Un taux de cortisol constamment trop élevé altère le sommeil

Il arrive que le fonctionnement des glandes surrénales soit complètement déréglé par une nécessité de produire du cortisol de façon anarchique. La production de cortisol se trouve alors décorrélée du rythme circadien physiologique : nous parlons de courbe inversée du cortisol. Le cortisol est produit plus massivement la nuit et disparaît le matin. Dans cette situation, les bébés se retrouvent maintenus en éveil la nuit, sur de longues insomnies et rattrapent parfois en longues siestes en journée.

Sans aller jusqu’à cette inversion complète, une production trop élevée de cortisol rend difficile l’endormissement. En effet, il y a trop de cortisol circulant en soirée (ou en journée pour les bébés) et la production de mélatonine et pression de sommeil ne suffisent pas à faire basculer le corps vers le sommeil. Le corps peut rester maintenu en éveil jusqu’à ce que le cortisol soit évacué et que la fatigue accumulée prenne le dessus. C’est d’autant plus vrai la nuit. Soit la production de cortisol trop importante vient causer des réveils nocturnes. Soit, en cas de réveils nocturnes, la mélatonine -qui n’est plus produite en seconde partie de nuit- ne suffit plus à contrebalancer la quantité de cortisol sécrétée et le rendormissement est difficile, voire impossible.

Comme nous l’évoquions un peu plus haut, le cortisol est une hormone, et le sommeil est une cascade de réactions hormonales multiples. Lorsqu’une hormone est produite en trop grande quantité, lorsqu’une glande est affaiblie et malmenée, alors c’est l’ensemble du système endocrinien -et nerveux par ricochet- qui est mis à mal. Un bon sommeil est un des reflets d’un bon état de santé. Lorsque le niveau de santé s’affaiblit, alors le sommeil en pâtit, à plus ou moins long terme. Le paragraphe qui suit met en avant les multiples effets néfastes du stress chronique sur notre santé, et de façon indirecte sur notre sommeil.

La suproduction chronique de cortisol impacte notre santé au sens large

Affaiblissement du système immunitaire

Le cortisol étant une hormone anti-inflammatoire, il est produit en plus grande quantité lorsque nous sommes malades ou blessés. Cela aide le corps à mieux récupérer. Mais produit de façon continue et en trop grande quantité, il va malheureusement avoir l’effet opposé. Il va empêcher les différents tissus et organes de fonctionner correctement, et notamment rendre le système immunitaire moins réactif, car trop sollicité. C’est également en altérant la digestion, le fonctionnement des intestins, mais aussi l’équilibre de notre flore intestinale qu’il vient affaiblir notre système immunitaire.

Vieillissement prématuré des tissus

Le cortisol génère également un stress oxydatif important pour l’ensemble de l’organisme. C’est-à-dire qu’il participe à un vieillissement accéléré de toutes les cellules. Les maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer ou Parkinson -dites maladies de civilisation tant leur survenue prend de l’ampleur depuis un demi-siècle- ont toutes en commun une importante oxydation des cellules cérébrales principalement liées à une dérégulation chronique de la production de cortisol.

Diabète et obésité

Le cortisol n’est pas l’hormone de l’éveil pour rien, il permet aux cellules d’avoir de l’énergie. En effet, il induit un déstockage du glucose (sucres simples) de leurs lieux de stockage (foie et muscles) pour le libérer dans le sang. Une fois dans le sang, c’est une autre hormone qui prend le relais : l’insuline, produite par le pancréas. Elle vient frapper à la porte de l’ensemble des cellules de notre corps pour faire rentrer le glucose et que ces dernières puissent produire de l’énergie. Trop de cortisol se traduit alors par trop de déstockage de glucose, et en continu de surcroît. Plus que ce dont les cellules ont besoin. Ce surplus doit impérativement être traité, car le corps ne peut rester avec un taux de sucre sanguin trop élevé car cela induit de nombreux problèmes tels que les avc, les problèmes rénaux, l’atteinte des yeux, des nerfs, etc. Notre organisme gère ce déséquilibre en augmentant, en toute logique, la production d’insuline. Mais ce mécanisme n’est pas sans conséquence.

À force d’y être exposées, les cellules du corps deviennent massivement résistantes à l’insuline et ne vont plus y réagir (elles n’ouvrent plus leur porte). L’insuline va stocker énormément de sucre dans les tissus graisseux. Le pancréas peut même finir par s’épuiser et ne plus produire d’insuline. Tout le fonctionnement métabolique du corps est ainsi altéré.

On parle justement de trouble métabolique, de résistance à l’insuline, de prédiabète, de diabète ou encore d’obésité.

Par effet boule de neige, le surpoids impacte à son tour le sommeil : il est un facteur majeur de risque d’apnée du sommeil (ou SAHOS, syndrome d’apnée hypopnée obstructive du sommeil), qui rend le sommeil entrecoupé, peu récupérateur et induit une importante fatigue diurne. À son tour, ce trouble du sommeil engendre d’autres problèmes pour la santé tels que des pertes de mémoire, des difficultés de concentration, une grande irritabilité etc., et prédispose aux maladies dégénératives.

Déséquilibres hormonaux

Lors d’une surproduction constante de cortisol, nos glandes surrénales vont finir par s’épuiser, ce qui vient directement perturber le bon fonctionnement du système endocrinien. Cela se répercute sur la thyroïde par exemple, ou encore sur le bon équilibre des hormones sexuelles. De plus, il faut noter que le cortisol a comme précurseur le cholestérol. Lorsqu’on produit énormément de cortisol, le stock disponible de cholestérol produit par les cellules ou apporté par l’alimentation, est alors massivement utilisé au détriment de ses autres destinataires comme les cellules sexuelles, l’aldostérone, les membranes cellulaires du système nerveux, etc. Dernier point, l’hyperproduction de cortisol va venir empêcher la thyroïde de fonctionner correctement. Non pas en agissant sur elle directement, mais parce qu’il va empêcher la transformation de la T4 en T3 (deux hormones thyroïdiennes très importantes). La glande thyroïde va donc devoir produire beaucoup plus d’hormones pour satisfaire les besoins de notre corps, et peut finir par s’épuiser.

Déminéralisation

La surproduction de cortisol vient également impacter notre organisme en induisant une fuite des minéraux importante. Autant de ressources qui ne peuvent être utilisées pour réguler notre système nerveux, hormonal et alimenter les autres tissus comme les cheveux, les ongles ou encore la peau.

Difficultés digestives

Pour digérer, nous avons besoin d’être apaisés. Apaisé au sens physiologique. C’est le système nerveux parasympathique (le système nerveux associé au calme et au repos) qui doit être activé. Or, la production de cortisol est liée au système nerveux sympathique (celui de l’action). Lorsque le corps produit continuellement et massivement du cortisol, il met en pause la fonction digestive. Si vous mangez à ce moment-là c’est un petit peu comme si vous étiez devant votre coach et qu’il vous disait : “pars en sprint tout en marchant doucement”. Nous sommes d’accord, il est difficile de répondre correctement à ces indications ! C’est la même chose pour notre corps. Certes, il va manger et traiter ce que vous lui amenez, mais… mal. La digestion se fera au ralenti et partiellement. Cela se traduit par des inconforts, un transit irrégulier, trop rapide ou trop lent, des ballonnements, des douleurs, et surtout une assimilation minimale des aliments ingérés. Pour le dire autrement, ce que vous mangez est peu utilisé et repart dans les toilettes.

Le manque de sommeil augmente la production de cortisol : le cercle infernal

Comme souvent lorsqu’il s’agit de physiologie, les relations entre les différents systèmes de notre organisme sont très complexes et interdépendantes. C’est pourquoi on ne peut pas évoquer l’impact d’une surproduction de cortisol sans évoquer son pendant direct : le rôle du manque de sommeil sur la production de cortisol. Car oui, il existe un lien interdépendant entre manque de sommeil et production de cortisol, qu’il est nécessaire de bien connaître pour ensuite bien appréhender le sommeil, et celui de l’enfant notamment.

En étant elle-même un facteur de stress majeur pour l’organisme, la dette de sommeil représente un facteur de hausse du cortisol à court, moyen et long terme.

Explications psychologiques

Les privations de sommeil peuvent être modérées, mais durables dans le temps : exemple d’un bébé qui réalise des nuits de 9h durant plusieurs semaines d’affilée, ou qui saute une de ses siestes sur plusieurs semaines. Elles peuvent être également plus ponctuelles, mais très significatives : exemple d’un bébé qui ne dort pas durant toute une journée.

En cas d’insomnie chronique, la privation de sommeil est souvent importante et prolongée.

Selon la dette de sommeil dont un enfant peut souffrir, elle va se ressentir à plus ou moins long terme, avec une diminution de ses capacités intellectuelles, cognitives, physiques, etc.

Le problème étant que la pression de l’environnement, et ce que le bébé “doit” faire dans son quotidien ne change pas : manger, s’adapter à la vie, grandir, interagir, développer sa motricité, apprendre à chaque instant…

Rappelez-vous ce que nous avons vu un peu plus haut, lorsque la pression de l’environnement est supérieure à nos capacités d’adaptation propres alors … nous stressons ! Et nous produisons du cortisol.

Explications physiologiques

Ne pas dormir met l’organisme en danger puisqu’il ne lui permet pas de récupérer, de gérer ses émotions, de réguler son nerf vague et son système immunitaire. Le sommeil est une ressource pour le corps. Une ressource interne à la différence de l’alimentation qui est une ressource externe. Mais que fait l’organisme lorsqu’il manque de ressources vitales ? Il stresse ! Il se met en mode “survie” et… génère plus de cortisol.

De plus, lorsque le bébé manque de sommeil, l’ensemble de ses organes est mis en difficulté, et notamment en difficulté de régénération. Lorsque les glandes surrénales fatiguent et n’ont pas la possibilité de prendre soin d’elles convenablement, le risque majeur est la production anarchique de cortisol. Non seulement en quantité trop importante, mais également au mauvais moment. Les courbes de production de cortisol chez les bébés souffrant de dette de sommeil sont ainsi parfois inversées : hausse très nette le soir et la nuit, et baisse le matin et en journée. Les courbes de cortisol et de mélatonine (qui elle ne bouge pas) se retrouvent alors en totale corrélation. Votre enfant produit alors de la mélatonine et du cortisol au même moment : il ne peut plus s’endormir !

D’autres éléments peuvent être évoqués : par exemple, le système immunitaire qui fonctionne au ralenti et est moins efficace dès lors que le corps ne bénéficie pas d’un assez bon sommeil. Le bébé tombe alors malade plus facilement, ce qui favorise une production accrue de cortisol. Ou encore l’impossibilité psychologique d’aborder les relations avec son environnement sereinement, et donc l’activation permanente du système nerveux sympathique … et donc de la production de cortisol ! Bref, un cercle vicieux puissant !

Pour résumer, plus le bébé/enfant produit du cortisol, moins il peut dormir, mais moins il dort, plus il produit de cortisol. Et plus la situation se prolonge, plus il produit du cortisol à des moments inopportuns, et moins il arrive à s’endormir et rester endormi. Un piège sans fin…

D’où la nécessité d’intervenir soit en amont, soit le plus tôt possible, en permettant à bébé d’être dans les conditions les plus favorables pour son sommeil. Et la “magie” du corps opère alors très vite ! En quelques nuits bébé peut retrouver un équilibre très satisfaisant pour son sommeil. Équilibre qui induira cette fois-ci un cercle vertueux, qui parfois semble étrange : plus bébé dort, plus il dort encore !

Bravo à vous d’être arrivé à la fin de cet article assez technique, en espérant que la compréhension de ces grands principes puissent vous éclairer sur d’autres points et vous aider dans l’accompagnement de votre enfant au quotidien.

Sources et commentaires

Études

  • L’étude de LeproultCopinschiBuxton et Van Cauter, mettait ce constat en avant dès la fin des années 90 (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9415946/) : La perte de sommeil entraîne une élévation des niveaux de cortisol le lendemain soir.
  • Les auteurs de cette étude publiée en 2008 sur le sujet, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18761394/, mettent en avant les résultats suivants : après une restriction de sommeil, les sujets présentaient un niveau d’anxiété plus important. Leurs recherches ont permis aussi de constater que le taux de cortisol matinal (à 7h) était plus bas en cas de dette de sommeil.
  • L’étude suivante vient compléter les constats que la dette de sommeil altère le fonctionnement normal de la production de cortisol, en suggérant que la privation de sommeil conduit à un profil de sécrétion plus régulier du cortisol : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12207555/.

Article en ligne

Livres

  • Adrien, J. (2019). Mieux dormir chaque nuit, être en forme chaque jour : Les secrets d’un sommeil profond et réparateur (2019). Larousse.
  • Breus, M. (2017). Quand ? Belfond.
  • Ekirch, R., Vidal, J. (2021). La grande transformation du sommeil : Comment la révolution industrielle a bouleversé nos nuits. Éditions Amsterdam.
  • Faraut, B. (2021). Sauvés par la sieste : Petits sommes et grandes victoires sur la dette de sommeil. Actes Sud.
  • Léger, D. & Guilleminault, C. (1997). Sommeil, vigilance et travail. Masson.
  • Walker, M. (2018). Pourquoi nous dormons : Le pouvoir du sommeil et des rêves, ce que la science nous révèle. Pocket.

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  • Le pack 0-4 mois destiné aux futurs et jeunes parents de bébés entre 0 et 4 mois ;
  • Le module 1 destiné aux parents d’enfants de 3 mois à 5 ans.

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